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MYTHOLOGIE EN PSYCHANALYSE
Le SYMBOLE, le MYTHE et le PHANTASME
Le mot symbole vient de «Sumbolon» en grec qui était un objet cassé en deux morceaux que l’on donnait à deux partenaires afin qu’ultérieurement ils puissent se reconnaître comme protagonistes du même pacte d’entente tacite, car plus tard ils pouvaient lors d’une nouvelle rencontre recoller les morceaux du Sumbolon et ainsi s’identifier comme les partenaires du contrat initial.
Le Sumbolon était un signe de reconnaissance qui liait deux individus.
En latin le symbole, chez les anciens chrétiens étaient des formules prononcées, des mots de passe qui faisaient se reconnaître dans la même foi les chrétiens persécutés par les païens.
Le symbole est aussi une formule imagée qui permet l’évocation d’une idée.
Le symbole est une figure analogique qui met en contiguïté deux idées, deux choses, une chose représentant de façon imagée une idée.
Le symbole est une représentation autour de laquelle se reconnaissent différents individus qui partage la même culture.
Le symbole peut être allégorique comme dans les représentations artistiques, les sculptures, les monuments, la peinture qui figurent une idée force abstraite par un scène concrète qui illustre fortement l’application de cette idée dans la vie sociale ou affective.
Le symbole peut être une métaphore, c’est à dire substituer un mot par un autre, par exemple substituer un mot abstrait par un mot concret qui sublime son évocation, la rend plus percutante, où substituer à un mot une idée par une formule qui développe tous les sens multiples sous tendus par la métaphore et où le sens propre est grossi du sens figuré.
Le symbole peut être aussi une métonymie, c’est à dire une figure qui ne prend dans l’original que ce qui est le plus caractéristique, le plus frappant pour l’imagination, par exemple : «Une voile se profile à l’horizon» remplace avantageusement «Un voilier se profile à l’horizon. »
Le symbole peut être aussi un archétype qui condense tous les sens anciens attachés à une idée princeps.
L’inconscient travaille sur les symboles pour affiner son pouvoir évocateur, pour extraire du minerai du langage l’or pur de la signification, pour la rendre plus polymorphe, plus chargée de sens multiples.
Le symbole s’exprime essentiellement dans le rêve, dans l’art dont il constitue le matériel de base pour projeter sur le réel l’écran de l’imagination débordante qui ne se satisfait pas de l’abstraction amère de l’intellect pour mieux exprimer la chatoyance de l’affectivité.
Le symbole condense sur une même scène le grouillement de sens qui sature l’inconscient, la pléthore d’idées plurielles qui concourent à l’expression de la sensibilité qui déborde comme un halo autour de l’idée abstraite.
Le symbole déplace le sens du propre vers le figuré pour nimber les cieux des idées d’une myriade de constellations qui gravitent autour d’elles et qui sont leurs satellites.
La peinture figurative est l’archétype du symbolisme depuis les fresques rupestres préhistoriques qui symbolisaient en quelques traits et quelques couleurs primitives l’univers profane et sacré des premiers hommes qui faisaient de leurs cavernes les premiers temples des rites éternels perdus dans la nuit des temps.
La peinture est symbole car elle ne travaille que sur l’analogie. Elle n’est qu’une interprétation du réel qu’elle figure schématiquement en forçant sur les traits les plus prégnants, les plus évocateurs pour rendre du réel une image qui cristallise dans les affects l’aura de l’apparition du réel sur la scène de notre inconscient qui y projette ses intentions et ses phantasmes pour mieux le cerner et le cibler à travers la loupe de sa myopie qui n’y distingue que ce qui l’éveille aux émotions. Le symbolisme c’est le troisième oeil de l’artiste, son oeil de cyclope qui décompose la lumière et les formes pour ouvrir le grand livre ésotérique de l’initiation aux mystères de la sensibilité.
Le symbole condense dans des médiations synthétiques les oppositions binaires, il réconcilie les antinomies, il soude les fractures de notre division, il résout les conflits subjectifs.
Il est le fléau de la balance des opposés, entre le bien/le mal, la vrai/ le faux, le juste/ l’injuste, le beau/ le laid.
Le symbole fait entrer dans les arcanes de l’initiation par la porte de l’allégorie pour suivre les signes de piste d’un itinéraire de là connaissance illustrée et converger dans le sein du sein du temple où sont réconciliés la rigueur de la raison et les fantaisies des mystères. Il gonfle le signe mathématique du lyrisme de l’affectif pour réchauffer la froideur frigorifiante de la logique dans le feu du sorcier.
Le symbole sublime la perception objective dans le prisme des lucioles du subjectif pour illuminer le cimetière des échecs de la raison avec les feux follets irrationnels de l’art.
L’homme est un roseau pensant mais la matière de sa réflexion s’étaye sur les hiéroglyphes de vieux papyrus énigmatiques qui infiltrent la raison profane d’une cabalistique sacrée érigeant en dieux les génies indomptables de nos passions sur l’autel de la chair insoumise aux règles tatillonnes de la raison qui bannit l’antinomie et ne reconnaît que l’impérialisme de l’unité logique dans un monde du moi où s’affrontent les contraires.
Le symbole arrête la bascule de la dualité pour refaire une unité sur le champ de bataille de notre ambivalence.
Le symbole, c’est la combustion des éléments incompatibles dans le bûcher de notre hérésie face aux dogmes de l’orthodoxie qui émascule ses fidèles dans la soumission à la loi du tiers exclu, une loi de la raison qui exclu la compatibilité des contraires.
La loi castre le désir qui ne trouve sa véritable expression et sa réalisation que dans le symbole créé par l’artiste qui se rit des injonctions de la loi, de la norme, de la logique et du religieusement et du politiquement correct.
Le symbole encourage le double lien interdit par les dogmatiques. Il met à jour notre duplicité en ne scindant pas les figures de l’amour et de la haine mais en les mariant dans un ballet hiérogamique tel une noce de dieux et de déesses qui conditionnent notre psyché dans les souterrains de l’inconscient qui ne se résout pas à l’unicité de la logique et danse les bacchanales de l’empire dionysiaque à l’ombre des églises de la renonciation à la jouissance qui mutile les mortels en fixant leur félicité dans un au-delà hypothétique et en leur imposant ici bas l’abstinence et le mépris des passions.
Le symbole est un mot de passe qui ouvre l’huis des secrets de la félicité ici et maintenant dans la symbiose entre l’imaginaire et le réel par l’artifice de l’illusion qui règne en maîtresse médecin soignant les blessures de l’être avec les baumes et les onguents spirituels de l’âme déchirée par l’amertume du réel.
Le symbole décore le brut en le calligraphiant d’enluminures qui neutralisent ses vertus désespérantes pour générer l’espoir de la compatibilité entre l’être et le paraître avec l’adresse de l’illusionniste et la conviction du prophète.
Le symbole est un rébus qui fait signe et clin d’oeil sur la rétine des extra-lucides en ouvrant le livre de l’alchimie des sens cachés qui ramènent le naufragé de l’océan des certitudes sur l’île du non-savoir intellectuel mais du savoir du tropique des affects autour du totem des désirs partagés et inconciliables pour vivre le vaudou de nos fétiches.
Le mythe est la grammaire, la syntaxe des symboles qui conjuguent le verbe être au passé décomposé des archétypes qui ont façonné l’histoire des histoires qui se véhiculaient à travers le temps des civilisations antiques médiévales et modernes.
Le mythe développe dans la diachronie la synchronie des émotions du créateur et de ses spectateurs pour battre la mesure des harmoniques qui structurent les phantasmes fondamentaux de la psyché humaine.
Le mythe lève l’écran des apparences du réel pour sortir des coulisses de l’inconscient les fantaisies oniriques qui derrière le rideau du rationnel scandent les élégies de la comédie humaine.
Le mythe qui tient sa source dans la tradition orale coule depuis la nuit des temps de l’amont préhistorique vers l’aval contemporain. Son style emprunte son esthétique aux fresques rupestres des cavernes qui fondèrent les premiers rites liturgiques d’un espace du sacré.
Le mythe organise l’entropie des pulsions primaires dans un décorum reconnu par le social comme répondant aux canons de la civilisation en métamorphosant le minerai débarrassé de ses scories en un métal rutilant qui sert de miroir poli aux sujets de la communauté pour y projeter les ombres de leurs désirs inavouables mais parés de l’habit de haute couture qui sied mieux à leur exhibition.
Le mythe est l’écran du théâtre sur lequel grouille le ballet des représentations représentantes des spectres, des esprits qui nous habitent dans l’imbroglio baroque de nos phantasmes surréalistes.
Le mythe décompose la lumière blanche en arc en ciel dans le prisme entre les éléments d’eau et de feu qui conjuguent notre passé présent et avenir.
Le mythe, c’est notre hymne de collaboration et de résistance aux impératifs catégoriques de conciliation entre l’état sauvage et celui de citoyen soumis aux lois.
Le mythe, c’est l’exception qui confirme la règle de soumission aux lois d’interdits de l’inceste, du parricide ou du matricide, du vol, du viol.
Le mythe est l’attribut des sujets de la tribu qui reconnaissent leurs totems ailleurs que dans le code civil ou pénal et qui expose les tabous dans la réalité crue du clair obscur sous les lumières des passions humaines dans l’antichambre du palais de justice pour exorciser les démons qui nous hantent.
L’Imaginaire est un creuset qui condense dans son alambic les essences du sens de l’être, les reflets de la galerie des glaces du soi qui y mire les éclats kaléidoscopiques de ses phantasmes.
Le désir est le grand ordonnateur, le metteur en scène des drames qui sur la scène de l’inconscient développent l’insistance de l’existence qui impose sa présence son empire envers et contre tout ce qui tend à le scotomiser sous le prétexte fallacieux qu’il serait condamné au semblant au paraître au simulacre en vertu de la loi, de l’état civil, du réel.
La libido jouit des métamorphoses que lui sculpte l’idéal dans l’ombre du dictât du réel, se riant de ses arcanes, de son éthique, de sa falsification du désir dans l’inauthentique du grégaire, du soumis, du repu, pour fertiliser le champ fécond de la démesure entropique de son énergie luxuriante qui irrigue ses sillons en marge de la domestication qui voudrait la réduire en peau de chagrin pour faire d’elle la servante de la réalité crue.
Pour occulter la blessure de l’intrusion du réel frustrant dans le temple des illusions du soi, le poète, cisèle tel l’orfèvre du langage, des enluminures de cristal sur la chaîne du métier d’illusionniste de prestidigitateur qui, du chapeau de gendarme policé, extrait des colombes aériennes qui s’enfuient de la prison du prosaïque pour voler à tire d’aile jusqu’aux sommets de la divinité immortelle et c’est cette gageure que revendiquent les peintres symbolistes qui défient le rationnel, le positivisme et la réalité diurne pour investir l’onirisme nocturne et cultiver le rêve éveillé hypnagogique des somnambules, pour réaliser l’hypnose collective qui pétrifie l’être dans la flamme des lampes à huile de la tradition qui réveillent les images évanescentes de la fascination de l’humanité pour les mystères, la mystique, la mythique, la légende des siècles, l’énigme de la différence sexuelle, de la généalogie, des tabous et de leur transgression par les dieux et les héros, les ressources intarissables du tragique, du dionysiaque que la règle jamais n’épuisera.
Sur la tache aveugle de la rétine, se projettent les insuffisances de la perception et la victoire du mental qui use de son imagination pour extraire les trésors de l’illusoire ; qui maquille l’objectif avec les fards du subjectif ; qui nous délivre du boulet de la gravité universelle de l’objet pour renouer les sujets avec l’éden des épousailles du soi avec les ombres de son théâtre intérieur plus pléthorique que la sécheresse
de la vacuité objective.
L’image habille l’abstrait d’un costume enchanté qui réconcilie l’éthique et l’esthétique et lui taille des formes séduisantes, des couleurs chamarrées. Vêtue de ces falbalas, elle lui concrétise une allégorie qui réveille les reflets des surdéterminations qui sous tendent les idées condensées dans le concept.Le concept est âpre et sec c’est un soluté où précipitent nombre de particules qu’il sous entend et considérées comme acquises que les images du symbole et leur mise en scène dans le mythe développent dans le prisme comme la lumière blanche toutes ses raies de l’infra-rouge à l’ultra-violet, du cyan au magenta pour distribuer son spectre.
La structure symbolique du mythe est un révélateur des idées comme les sels d’argent de la pellicule d’un film transforme le négatif en positif, afin de fixer toutes les couches sédimentaires des associations d’idées qui concourent à fonder le concept et que l’artiste géologue ou archéologue de l’inconscient décrypte et amène à la résurrection comme un retour du refoulé qui vient interpeller l’amateur d’art qui y reconnaît les fantômes qui l’habitaient à son insu, à l’insu de sa raison raisonnante qui ne rend grâce qu’à sa conscience, qu’à l’immanence en niant toutes ses transcendances.
L’artiste est l’extra-lucide, le spirite le médium qui catalyse la transparence, la perméabilité entre le système conscient et inconscient, le sacré et le profane. Il est celui qui sécularise le spirituel et l’offre en pâture aux laïcs qui n’en reviennent pas de la rencontre que l’artiste à provoquer chez eux et leur donne une impression de déjà vu, déjà entendu dans l’intimité de leurs songes.
Les abstraits finissent pas rendre opaque la boule de cristal du soi, du for intérieur qui n’anticipe plus son devenir dans le blé en herbe de ses racines que l’intellect a fauché bien avant la moisson pour moudre une farine déjà lyophilisée conditionnée prête à la consommation sans conscience de son être et de ses fins et qui ne satisfait plus que le besoin de brûler les idées sans soucis de renouer le désir avec sa quintessence en consumant entropiquement son existence pour simplement dilapider de l’énergie.
La création artistique est une généalogie des métamorphoses qui synthétise les analyses occultées par l’usage domestique robotique de la langue qui déchoit le signifié au rang de signifiant arbitraire mécanique.Le Phantasme est un scénario imaginaire où le sujet est présent et qui figure, de façon plus ou moins déformée par les processus défensifs, l’accomplissement d’un désir et, en dernier ressort d’un désir inconscient.
Le Phantasme se présente sous des modalités diverses : Phantasmes conscients ou rêves diurnes, Phantasmes inconscients tels que l’analyse les découvre comme structures sous-jacentes à un contenu manifeste, Phantasmes originaires.
Telle est la définition du Phantasme dans le dictionnaire de psychanalyse de Laplanche et Pontalis.
Les Phantasmes originaires ne sont pas issus du refoulement des souvenirs d’enfance pour cause de censure mais sont héréditaires phylogénétiques spécifiques de l’humanité et ont leur traduction culturelle dans le patrimoine mythologique créé à l’origine par la tradition orale depuis la nuit des temps puis transcrits plus tardivement à l’ère de l’écriture par des poètes inspirés et dont le divin Homère est la meilleure illustration dans l’antiquité grecque.
Phantasmes individuels et Mythes collectifs sont les deux faces de Janus d’une même figure anthropologique ethnologique, les uns sont inconscients enfouis dans le tréfonds du psychisme et les autres sont leur expression culturelle exhumée par des poètes inspirés prophètes de leur peuple qui ont su rendre compte des pulsions ataviques qui les animent depuis le plus lointain passé de leurs ancêtres qui leur ont transmis un héritage de passions et de contentieux à solder, de modèles héroïques pour l’identification symbolique et d’idéaux à investir dans la structuration de leurs désirs.
La scénographie dramatique des mythes permettant une interprétation du temps historique et de l’espace cosmologique où l’éternel retour de Nietzsche et la compulsion de répétition de Freud trouvent dans la dynamique désirante des sujets une anticipation rétroactive propre à renouveler les cycles de la phylogenèse dans le développement de l’ontogenèse où les sujets récapitulent toutes ou parties des étapes de l’histoire de l’espèce humaine en vertu de la loi de Haekel.
Le désir du sujet, c’est toujours le désir de l’Autre antérieur qui demande aux générations suivantes de solder ses échecs, ses ratures, ses succès à renouveler pour réhabiliter sa gloire, sa doxa, son honneur, le sien, celui de sa famille, de son clan, de la patrie ou du genre humain.
Les aléas de l’existence n’étant que le trajet plus ou moins surdéterminé, programmé dans le destin de ce désir transmis généalogiquement.
MYTHES collectifs source des phantasmes individuels
L’inconscient est déja écrit quelque part .
Selon Jacques Lacan, dans son article « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse », l’inconscient n’est ni individuel, ni collectif, il est trans-individuel, l’inconscient est déja écrit quelque part, sur les monuments, dans les documents d’archives de la famille, dans les légendes, dans les mythes».
Le sujet, à son insu, est structuré par ces acquis culturels qui le lient à la famille, à la cité, à la nation, au reste de l’humanité.
Ces acquis sont connus ou inconnus du sujet, ils n’en constituent pas moins son patrimoine.
Ces acquis sont autant de signes de reconnaissance, de symbole de l’alliance avec l’autre.
Le symbole de sumbolum, en grec, objet scindé en deux parties qui coïncident et qui confiées à chacun de deux protagonistes d’une alliance scelle leur union et permet ultérieurement une reconnaissance.
Ces acquis culturels ont la même fonction dans la famille du sujet, servent d’assise à la reconnaissance de la légitimité paternelle, de la filiation naturelle et culturelle séparant les générations et affectant l’enfant d’un patronyme et d’un patrimoine culturel dont il est l’héritier et le légataire universel, l’inscrivant de par ce don dans le registre de la dette, dette symbolique de sens. L’enfant est catalogué bien avant la naissance dans le projet parental qui enveloppe son être d’un sceau mythique structurant son idéal auquel il est condamné et qui l’oblige à travers le paraître à tenter de s’y identifier.
Lorsque l’enfant paraît, les éléments qui constituent son sujet échappent à son savoir conscient, mais sont à sa disposition dans l’Autre, l’environnement culturel qui l’a créé.
Le sujet selon le Désir et le sujet selon la Loi
Le sujet est répertorié dans un état civil ou il est consigné comme sujet selon la loi , en fonction de son sexe, de sa date de naissance et de sa généalogie légale .
Mais il est aussi sujet selon un désir inconscient, celui-là même que l’Autre à programmé plus ou moins consciemment, en l’occurrence tous ceux qui se sont penchés autour de son berceau, parents, grands parents, parrains, marraines etc ... sans oublier les fées, les saints patrons, autrement dit tous ces êtres mythiques qui ont peuplé l’inconscient de ses géniteurs et auxquels ils l’ont dédié.
Ce sujet du désir est sa vérité en opposition au masque que lui impose la loi et dont les traits sont inscrits dans la froideur de son état civil de sujet selon la loi .
On doit distinguer les origines biologiques c’est-à-dire naturelles du sujet et sa vérité immergée dans l’inconscient qui, de la naissance à la mort, cherche à être reconnue par l’autre, l’autre de sa famille, de son clan, de sa cité qui n’est pas dupe de la division entre ce qu’il est et ce qu’il aspire plus ou moins consciemment à être selon le désir de l’Autre qui a préludé à sa genèse subjective dans le ventre de sa mère.
Il se peut par exemple que son sexe anatomique soit différent du sexe auquel aspirait l’Autre de sa conception, ou sa taille, ou ses talents etc ...
Mais il est irréductiblement divisé entre le projet parental culturel qui structure son être et son existence qui est le fruit de la loi naturelle, qui a fait de lui par exemple un boiteux et un gaucher comme Laïos, le père d’Oedipe, lui qui en tant que Roi se devait d’être droitier et bien assuré sur ses jambes, ce qui explique son compromis qui fit de lui un Roi du temps du matriarcat, un inverti, un homosexuel qui refusait d’assumer sa seule fonction de géniteur auprès de la Reine.
Cette double identité rendant inadéquate la conciliation entre le sujet selon le désir inconscient et le sujet selon la loi naturelle oblige à des compromissions en cascades de génération en génération, où le fils est héritier des dettes symboliques de son père, lui même héritier de celles du grand père.
La reconstruction phantasmatique des origines
D’une génération à l’autre, court une interprétation fantaisiste de l’idéal du moi auquel les rejetons tentent plus ou moins adroitement de s’identifier avec plus ou moins de succès et c’est à terme le reliquat d’échec du père ou de la mère qui est transmis à la progéniture comme un relais mythique pour poursuivre la course, mythe intégrant les aléas et les avatars de ses prédécesseurs et modifié afin de maintenir le caractère héroïque de la lignée coûte que coûte. Cette fantaisie des origines constitue le phantasme individuel qui structure le sujet selon le désir qui cherche désespérément à se faire reconnaître par l’Autre.
Le phantasme inconscient est un fatras de non sens fait de dénégation du sexe anatomique ou de dénégation de la filiation naturelle, de relents de désirs incestueux, de règlements de compte par intérim de conflits anciens dans la famille, dans le clan, qui font de tout un chacun un héros tragique dans la tradition antique qui doit assumer son destin, autrement dit son héritage phantasmatique envers et contre tous et qui, en même temps, cherche auprès des autres à se faire reconnaître comme un membre de la communauté, un citoyen de la cité.
L’histoire embrouillée et insensée de son phantasme inconscient est toujours en quête d’une forme symbolique académique reconnue par la collectivité, un mythe, une légende, une histoire commune à la culture auquel le sujet du désir appartient pour trouver une médiation compatible avec le sujet de la loi soumis à la langue et à la culture.
Phantasme inconscient individuel comme renversement du mythe extensive et collectif
D’après Jean-Paul Valabréga, psychanalyste professeur de l’école pratique des hautes études, il existe entre le phantasme individuel et le mythe collectif une loi de retournement.
C’est-à-dire que phantasme et mythe sont les deux faces d’une même entité, l’un grouille dans l’inconscient individuel, il est non dit et il est à la recherche de son expression symbolique collective racontée : le mythe.
L’un, le phantasme individuel inconscient, est un modèle d’identification hérétique que rejette la loi des hommes et l’autre, le mythe, est une création esthétique que reconnaît la communauté ; il est orthodoxe et peut servir de modèle imaginaire à des identifications pour jouer son destin social .
Freud avait une conception réductionniste de cette loi, ne reconnaissant qu’un seul mythe structurant le phantasme des sujets, en l’occurrence l’Oedipe.
Jung, excommunié par le même Freud, avait une conception plus large dans ses « Métamorphoses de la libido ». Il ne rejetait aucun des autres mythes comme fondateurs des phantasmes inconscients, ce qui lui coûta l’exclusion du cénacle freudien.
On peut dire que, selon l’histoire singulière des individus, tel ou tel autre mythe collectif sous tend le phantasme individuel qui détermine leurs destins.
Sur le plan pratique de la cure psychanalytique, le sujet du désir individuel doit advenir en reconnaissant le mythe qui le structure et la culture est une mosaïque de mythes créés par les poètes pour illustrer la multiplicité des destins.
Le réductionnisme freudien de l’impérialisme oedipien rehaussé au rang d’un universel ne rend pas compte de la multiplicité des expériences singulières et constitue une espèce de plaquage standard sur des névrosés qui cherchent vainement à se reconnaître dans cet archétype unique qui ne répond pas toujours à leur singularité.
Cette approche dogmatique de la cure par les freudiens orthodoxes est la raison de cures interminables où le patient tente vainement de se mouler dans le cadre étriqué de la théorie qui mobilise son analyste et est la source d’une néonévrose engendrée par la cure elle même , je dirai une névrose iatrogène, une névrose provoquée par la cure elle- même , comme les effets iatrogènes de l’allopathie, c’est à dire la pathologie engendrée par le médicament lui même alors qu’il est censé guérir .
Le phantasme individuel et le symptôme
Le symptôme, du grec «Sumptoma » signifie, accident, coïncidence.
En médecine, le symptôme est un signe d’appel qui fait reconnaître telle ou telle maladie Il peut être subjectif, ressenti par le patient ou objectif et reconnu par le médecin lors de son examen physique.
En psychanalyse, le symptôme est un hiéroglyphe énigmatique qui cherche traduction avec l’aide de la Pierre de Rosette des associations libres du patient, de l’analysant.
Le symptôme psychanalytique est un compromis entre le conscient et l’inconscient, c’est un signe d’appel ou le sujet de la névrose cherche à se faire reconnaître.
Le symptôme, en apparence, comme le phantasme inconscient individuel est un tissus de non sens, un noeud qui demande à être dénoué pour désarrimer le sujet de son objet affectif pathologique et lui rendre sa liberté, son libre arbitre de choix de vie, de choix d’objet affectif, pour le sortir de la machine infernale de ses répétitions névrotiques.
Mais l’inconscient insiste jusqu’à ce qu’il soit reconnu.
Le symptôme, c’est le trait caricatural qui différencie l’individu et son élucidation le rendra plus souple, plus plastique, mieux adapté, l’aidera à troquer ses oripeaux héritiers du grenier familial contre la variété des costumes d’acteurs dans les coulisses du théâtre de la vie ou l’homme libre adopte des rôles successifs qu’il choisit librement en fonction de la situation.
Pour libérer le sujet névrosé de son déterminisme, il faut démystifier son symptôme et renverser le phantasme inconscient individuel qui le structure en sa traduction, un mythe collectif qui lui correspond, vis à vis duquel il aura la liberté de s’y conformer consciemment comme un noble fidèle à son blason ou de l’abandonner comme une vieille peau pour renaître à d’autres mythes.
SAMSON ET DALILA
Pour illustrer cette théorie, je voudrais rendre compte d’une cure psychanalytique d’enfant que j’ai menée conjointement avec mon petit patient que j’appellerai Serge, un prénom dont l’initiale est S, comme l’était celle de son propre prénom .
Serge souffrait d’un symptôme invalidant, la trichomanie, il s’automutilait et s’arrachait les cheveux par grosses touffes au point qu’il était chauve et se promenait avec une casquette enfoncée jusqu’aux oreilles pour cacher sa calvitie.
Il souffrait énormément de sa trichomanie qui, dans son école, auprès de ses petits camarades, le faisait passer pour fou ce qui le mettait en permanence sous le feu des lazzis et des quolibets de ses congénères qui le rejetaient et le mettaient au banc de la société.
Sa cure durait depuis des semaines et n’avançait pas en dépit d’une coopération complice de l’enfant avec moi- même dans la production de dessins et d’histoires luxuriantes, lorsqu’un jour, il me dessina le diable tel qu’il le concevait et où il me précisa que pour lui, le diable n’était pas, comme dans l’iconographie classique, un homme avec des cornes et une queue mais, d’après lui, une créature féminine très séduisante, très belle, très cruelle, très maléfique.
A la séance d’après, fort des associations libres qu’il m’avait données la semaine d’avant , je lui racontai le mythe de «Samson et Dalila », identifiant Dalila à la Diablesse castrant Samson de la source de sa force, en l’occurrence ses cheveux. Je terminai la relation de la légende en lui affirmant que sa puissance à lui Serge résidait dans son pénis et non dans ses cheveux et qu’il n’avait pas à craindre que sa chère maman l’ampute de son appendice pénien. Sur ce Serge éclata en sanglot et me dit laconiquement « Docteur vous m’avez bouleversé. »
Sa formule était pertinente car, en fait de bouleversement, il y avait eu renversement du phantasme individuel inconscient en un mythe collectif devenu conscient par la même qu’il lui fut raconté.
A la suite de cette séance déterminante, Serge cessa de s’automutiler et, en quelques semaines, lui poussa une abondante chevelure brune qui fut l’objet de soins méticuleux de sa part et sa casquette, cache-sexe phantasmatique honteux de la psychose, devint inutile.
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