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ESSAIS PHILOSOPHIQUES D'AUTRES AUTEURS DE L'ASSOCIATION

QUELLE EST LA FONCTION DE L’ART ?

FERRAN Jean Pierre

FONCTION DU CARNAVAL
Martial GIL

Poésie et philosophie -

GUNTER GORHAN

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QUELLE EST LA FONCTION DE L’ART ?
Jean Pierre FERRAN

Débat philo du 5 12 2004

1- Positionnement de la question :
Le recours à l’étymologie et à la sémantique comparée peut nous aider a placer cette question sur l’art dans une perspective historique. Les deux termes «art» et «technique» sont respectivement dérivés de la langue latine et de la langue grecque. Cependant, leur usage à des fins de distinction et même d’opposition réciproque a quelque chose de paradoxal. Ars et Téchné ont en effet, dans chacune de ces deux langues, exactement la même acception. Ils désignent d’une façon générale l’exercice d’un métier; plus précisément l’habileté acquise par apprentissage ainsi que les connaissances que requiert cet exercice; enfin les produits eux-mêmes de tous les modes particuliers du travail humain, tant manuels qu’intellectuels.
Ainsi, là où le grec et le latin ne disposaient que d’un terme unique, la culture de l’Occident moderne va emprunter à l’une et l’autre langue ancienne leurs deux termes équivalents pour dissocier, spécifier puis opposer deux aspects ou catégories d’aspects de la production en général (soit dit sommairement : les aspects pratiques ou manuels et certains aspects intellectuels), que l’Antiquité ne distinguait pas.
C’est au cours du XIXe siècle, en plein essor de l’industrialisation, que le langage philosophique reprend au grec le terme de «technique» pour désigner les applications pratiques de la science et c’est encore le XIXe siècle qui réserve systématiquement la qualification de « beaux-arts » à la peinture, à la sculpture et à l’architecture (les «arts plastiques»), en les distinguant globalement de la musique et de la littérature.
Mais tous ces glissements de sens et ces jeux conceptuels découvrent une réalité sociale décisive : la société industrielle tend à dissocier absolument les tâches pratiques d’exécution (les techniques manuelles ou instrumentales) et les tâches de conception (l’art et la science comme pures activités de l’esprit).
Dans son introduction du débat Fernand REYMOND nous rappela que les philosophes antiques grecs reconnaissaient dans l’art trois fonctions nommées en langue grecque : mimésis, poïesis et catharsis.
La mimésis pour Platon, c’est à dire l’imitation de la nature, l’artiste mime la nature, il cherche à reproduire la création divine.
La poïesis, c’est à dire la création, pour Aristote moins sévère que Platon l’artiste faisait plus que de l’imitation de la nature il crée des formes nouvelles, et belles, harmonieuses ou dysharmoniques et laides, mais originales.
La catharsis : en grec catharismos veut dire pureté et Aristote dit que l’art a un effet de catharsis, ce qui veut dire que l’art épure les passions humaines. En les contemplant dans l’œuvre d’art qui les représentent, les hommes peuvent prendre du recul vis-à-vis de celles-ci .Dans le théâtre par exemple, le spectacle donne à réfléchir sur les passions représentées sur scène, car le spectateur peut en voir aussi les conséquences désastreuses sur la vie du héros à la fin de la pièce.
La tragédie grecque était la mise en scène au théâtre des forces inconscientes qui s’affrontent chez l’homme. Ces deux forces opposées étaient l’influence conjointe du Dieu Dionysos et du Dieu Apollon.
Le dieu Dionysos en tant que dieu de l’instinct animal, de l’ivresse, la vigne et du vin, des passions humaines démesurées, du délire.
Le dieu Apollon en tant que dieu de la mesure, de l’harmonie, de la musique et des lois humaines, qui règlent la vie sociale et condamnent les dérèglements passionnels.
La tragédie, forme complète de l’art puisqu’elle relève de l’art dramatique, de la musique, du chant, de la danse, de l’art des costumes et des masques, de la peinture et de la sculpture des décors , était bien la l’affrontement entre Dionysos et Apollon, entre le désordre et l’ordre, l’instinct et la loi, le délire et la raison.
2-Le débat :
Il tourna autour de l’utilité ou de la futilité de l’art.
L’art est politiquement utile par son effet purificateur des passions, mais il est futile car l’artiste se moque des normes et de la fonction productive du système production-consommation. On dit souvent d’un artiste qu’« il fait de l’art pour l’art » autrement dit il se soucie peu de l’utilité sociale de son art.
L’art n’est pas commercial, il interpelle notre subjectivité, il a souvent une fonction de scandale, de provocation surtout l’art contemporain.
Souvent, l’art permet de s’exhiber sans fard, sans retenue, sans pudeur, il nous donne une interprétation personnelle du monde, de la nature, de la société, des hommes et des femmes.
L’artiste est aussi un miroir sans tain, il réfléchit les travers de la société des hommes, il est miroir grossissant qui caricature les traits des autres pour que les hommes et les femmes se reconnaissent et se voient tels qu’ils sont et non tel qu’ils croient être dans leur suffisance.
L’artiste est un médium qui amplifie les tendances souterraines de la société qui ne voient pas vers quel futur elle va comme dans un mur, aveuglée qu’elle est par la fuite du temps et par les déterminations inconscientes de ses actes.
L’art anticipe sur l’histoire et montre le devenir le futur tel qu’il sera, si la société continue dans ce sens dont elle n’a même pas la conscience présente tellement elle est emporté par son élan sans en mesurer l’objectif à long terme.
L’artiste exprime sa névrose : au sens psychanalytique, les désordres de la psyché expriment les conflits entre l’inconscient et la conscience. L’artiste est plus à même que les autres névrosés à exprimer, à représenter ces conflits conscient-inconscient et les met en poésie, en scène, en musique ou dans un tableau, c’est ainsi que les spectateurs se reconnaissent dans l’œuvre de l’artiste, ils s’y retrouvent, l’artiste est en quelque sorte leur miroir qui leur reflète leur propre image inconsciente.
L’art et l’artiste sont le médiateur, médium, intermédiaire, messager, intercesseur entre l’inconscient et le conscient, entre l’individu et la société, entre les hommes et les dieux, dieux des religions ou dieux d’avant les religions ou d’après les religions, soit les archétypes de l’inconscient collectif.

3-Résumé
Ce débat nous a permis de saisir l’enjeu réel historique de la dissociation abstraite de la science, de l’art et de la technique. Elle est sans doute le prix a être payer pour le progrès objectif des sciences et des techniques.
Dans ce moment de notre histoire qui a privilégié la science et la technique au dépend de l’art en le reléguant dans des fonctions superfétatoires, la société industrielle se donne explicitement pour but essentiel l’efficacité technique. C’est-à-dire que l’idéal d’une perfectibilité à la fois technique et formelle n’est désormais, le plus souvent, que l’alibi de la loi du rendement accru et de la production accélérée. Même les manipulations de la mode, dans le jeu prétendu esthétique du modèle et de la série ou dans le jeu des variations différentielles indéfinies, tendent à étendre le contrôle social du sens et de l’imaginaire jusque dans l’ordre de la production des formes.
Plus que jamais la réflexion philosophique et la fréquentation régulière des arts (au sens moderne du terme) restent une pratique salvatrice pour l’Homme : C’est bien ce que nous propose Himeros.

 

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