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PYTHAGORE
Né à Samos, et consacré dés sa naissance à l’Apollon delphique, dont la pythie avait prédit à son père, un destin exceptionnel à cet enfant, la pythie qui inspira à son géniteur le nom qu’il donna à son fils “Pythagore”.
Avant d’enseigner sa doctrine originale Pythagore fut un grand voyageur et passa par toutes les initiations ésotériques en vigueur dans les civilisations du pourtour méditerranéen, en Ionie à Milet, en Phénicie à Tyr et à Byblos,il fait même une retraite dans un temple sur le Mont Carmel, il ira en Syrie, en Egypte à Memphis, en Grèce à Éleusis, amené comme prisonnier à Babylone, dans cette ville il suivra l’enseignement des mages.
Initié à tous les Mystères, il fut dans la philosophie et la science mathématique, l’élève de Thalés de Milet et d’Anaximandre, le premier connu pour son théorème et le second pour sa théorie définissant une principe originaire l’Apeiron, c’est à dire l’infini, l’illimité dont procède toutes choses du monde qui se corrompent en oppositions binaires finies pour retourner enfin à l‘Apeiron au principe infini.
Aprés ses longues pérégrinations il s’installa à Crotone en Italie où il fonda une secte, une communauté dont il était le gourou, l’on peut même dire le Dieu puisque ses sectateurs lui attribuaient des miracles et lui conféraient le statut divin.
Son enseignement distinguait deux étapes, deux stades :
1)L’enseignement exotérique qu’il dispensait pendant une longue période de probation aux novices qui ne faisaient que l’entendre derrière un rideau, ne le voyaient pas et qui pendant une propédeutique de cinq ans devait observer le silence (précepte que les francs maçons contemporains imposent encore à l’apprenti dans les débats de la loge et ce jusqu’à l’obtention du grade de compagnon).
2)L’enseignement ésotérique qu’il réservait aux initiés devant le rideau, à ceux qui avaient le loisir de le voir et de l’entendre.
Dans la masse de ceux qui suivaient Pythagore l’on distinguait.
1)Les philosophes ou Cénobites ou Pythagoriciens qui étaient passés par la longue initiation et avaient acquis les bases de son enseignement par l’étude assidu de la mathématique qui pour Pythagore était la voie royale de la philosophie.
2)Les Acousmatiques ou Pythagoristes, c’est à dire ceux qui ne bénéficiaient pas du profil physiognomonique et du bagage intellectuel pour le suivre sur la voie de l’initiation et qui appliquait cependant ses préceptes en mémorisant un certains nombre de principes dispensés sous la forme de maximes qui devaient servir de ligne de conduite dans la vie, formules orales destinées aux illettrés et qui constituaient un viatique dogmatique pour la vie en société, auquel ils adhéraient sans chercher à comprendre la longue méditation qui avait amené les pythagoriciens à les reconnaître comme déterminantes.
On les appelaient Acousmatiques (d’acoustique) parce qu’ils obéissaient aux maximes orales qu’ils se récitaient comme un catéchisme chrétien, comme les dix commandements des hébreux.
De ces maximes, certaines nous sont restées :
“ Il faut engendrer des enfants, car il faut laisser derrière soi des serviteurs pour le dieu”
“Ne pas aider à décharger un fardeau, car il ne faut pas encourager le manque d’effort”.
La philosophie de Pythagore est centrée sur l’arithmétique et fait des nombres et de la numérologie l’ordre du monde qui définit et délimite l’indéfini, l’Apeiron d’Anaximandre.
Dans la série des nombres il y a disparité entre les pairs qui sont imparfaits et illimités et les impairs qui sont limités et parfaits.
Le un est au dessus des autres car il est l’origine, il existe un nombre d’or qui structure l’univers et la musique avec ces différences tonales quantifiables en des rapports numériques rationnels est la preuve que l’essence de la réalité est contenue dans le nombre.
La musique jouait un grand rôle dans la discipline pythagoricienne et un type de musique particulier était proposé à chaque étape de la journée du lever au coucher pour mettre les adeptes en harmonie avec les nombres correspondant à chaque moment affectif ou intellectuel.
L‘éthique de cette communauté était très ascétique, tout nouvel adepte versait l’intégralité de ses biens à la communauté, l’ordre était riche mais les fidèles devaient adopter le voeu de pauvreté, ils étaient d’une extrême sobriété, végétariens.
Cette philosophie était donc ésotérique, réservée à des initiés tenus au secret, elle reposait sur une mystique du nombre fétichisé, elle était d’ordre mystérique, espèce de syncrétisme de la plupart des mystères initiatiques glanés par Pythagore de l’Égypte à la Grèce via la Phénicie.
Cette mystique du nombre doit cependant être rapprochée des courants structuralistes de l’anthropologie, de la linguistique, de la psychanalyse et de la philosophie contemporaine.
Confer les travaux d’anthropologie structurale de Claude Lévy Strauss qui révèlent un équilibre et une harmonie entre les nombre deux et de trois qui intègrent toutes les sociétés dans leurs us et coutumes, mythes et rites.
Confer aussi les travaux de Jacques Lacan qui définit un ordre symbolique ternaire (trois) qui verrouille le binaire (deux) de l’imaginaire et qui prétend que l’on peut non advenir à cet ordre symbolique ternaire et errer sans point d’ancrage dans l’imaginaire binaire, ce qui serait le cas du psychotique chez lequel le Nom du Père, signifiant ternaire de la triangulation oedipienne serait forclos, non advenu.
Dans un tout autre domaine, Pythagore a établi les principes qui président à toutes les sociétés ésotériques dont les francs maçons sont une illustration, dont il est bien connu que tels les pythagoriciens ils cherchent en secret de nouveaux ordres symboliques sociaux et politiques, conformes aux archétypes symboliques qui structurent la subjectivité et la sociabilité des hommes depuis les temps immémoriaux et tentent par influence discrète à infléchir les politiques pour introduire dans la société les principes que doivent conserver les acousmatiques que sont les quidams, les citoyens non initiés. (Fantasme ou réalité du pouvoir maçonnique sur la cité et l’état ?)
Il est évident que la démarche des cafés philosophiques entièrement exotérique vise à adopter d’autre voie que la philosophie pythagoricienne, puisque tout quidam peut entrer dans le café et apporter son grain de sel au moulin de la parole en vue de reconstruire la cité, sans hiérarchie universitaire ou administrative, à ciel ouvert sur l’agora.
Le problème qui se pose, c’est de savoir si l’initiation existe ou si l’on pense sui generis et la dessus le débat reste ouvert .
Les pédagogues modernes d’inspiration libertaire, sont pour le “Ni dieu, ni maître”, les conservateurs s’accrochent à la tradition, mais autodidacte ou clerc de l’université n’échappent pas à la transmission littéraire ou orale, l’enfant sauvage n’accède pas au langage, il est exclu de l’ordre symbolique car il n’a pas bénéficié de la médiation du tiers initiateur.
Il ne semble pas y avoir d’exotérisme absolu, puisque la relation à l’autre médiatise toute pensée, pensée qui est toujours interactive, osmotique, création de vases communicants, avec toujours un vase plein se transvasant dans un vase vide.
Peut on philosopher sans initiation ?
La philosophie c’est la dialectique, la dialectique ça s’apprend, comme la rhétorique, et les sophistes que vilipendait Socrate étaient les maîtres de ses propres élèves, ils avaient assuré leur propédeutique leur permettant de dialoguer aprés avec le philosophe de la maïeutique.
Condamné la sophistique, c’est supprimé la classe de rhétorique avant la classe de philosophie et mettre la charrue avant les boeufs.
Les cafés philosophiques doivent ils se garder de toute velléité pédagogique et initiatique ? L’animateur doit il comme le psychanalyste rester dans la plus stricte neutralité bienveillante ? N’a t’il rien à transmettre, doit il résumer sa fonction au rôle de porte micro, faisant passer le témoin dans la course de relais du débat public. N’est il qu’un arbitre, garant du rite et du règlement, je ne crois pas. Il doit s’investir en s’exposant, et assumer le risque de paraître pédant s’il a des connaissances bibliographiques ou personnelles sur le sujet.
Il doit être moteur des rebondissements, accoucheur, obstétricien accompagnant le travail des participants qui tels une parturiente doivent souffler, au besoin l’animateur devra jouer le rôle du souffleur de théâtre pour les acteurs ayant oublier ou jamais su le texte des auteurs anciens ou récents qui ont déjà planché sur le sujet.
L’animateur c’est l’un qui doit devenir le plus petit commun diviseur et le plus petit grand commun multiple de l’assistance, il doit raisonner et résonner comme l’amplificateur et l’antiparasite d’une chaîne hi-fi, parasitage auquel chaque débat ne manque pas, tellement les forces centrifuges du groupe poussent à faire éclater la réflexion.
Pour être animateur de débats philosophiques, il faut une initiation ésotérique, qui trouve sa source dans un empirisme expérimental où la théorie reste à faire et où jusqu’à présent ce qui s’est développé ici et là c’est une pratique plurielle spécifique à chaque café et à chaque animateur, qui comme le disait Jacques Lacan des psychanalystes, “il ne s’autorise que de lui même” et ne sont pas intronisés par un collège d’experts en la matière.
Pour en revenir à l’harmonie des nombres pythagoriciens dont l’expression la plus symphonique est la musique, l’animateur doit être chef d’orchestre et faire s’ accorder les violons des pupitres, pour se garder de la cacophonie.
Pour moi, dans les débats philosophiques et dans l’esprit pythagoricien il y a un nombre d’or à respecter, pas plus d’une trentaine de participants, car au delà cela tourne au meeting et la musique devient de la musique concrète, un bruit, où les décibels ne respectent plus l’harmonie et il n’y a plus de sol, de fa ou de mi à la clef, veuillez m’excuser SVP mais je ne comprend rien à la musique concrète, qui ne fait plus appel à la communion entre mon sensible et mon intelligible. Je sais bien que certains orchestres philharmoniques dépassent largement ce quota de trente musiciens, mais encore faut il que le chef qui tienne la baguette ne soit pas dépassé par les fausses notes, sans cela le concert tourne à l’entropie chaotique.
Les pionniers des cafés philosophiques ont à transmettre leurs expériences heureuses ou malheureuses dans une matière théorique, mais nul ne pourra échapper à la nécessité du rituel qui dans la pratique organise les débats, ce rituel étant en quelque sorte la fonction d’animation dans ses règles qui crée l’organe, l’animateur .
Et se vérifie l’adage “la fonction crée l’organe”, mais la fonction peut créer l’harmonie rationnelle mais souvent aussi le fiasco, quand l’harmonie n’est pas respectée, que l’Apolinien est submergé par le dionysiaque débridé des participants dont les instincts mortifères ne sont plus maîtrisés par l’animateur dépassé qui ne peut plus par manque de talent ou d’expérience ramener les forces centrifuges dans le vif su sujet.
Dans les cafés philosophiques l’on devrait avoir pour devise “De la musique avant toute chose !” car au moins si le débat n’apporte pas toujours de réponse, car les animateurs et les participants assidus des cafés le savent les débats débouchent le plus souvent sur des apories, des impasses, comme d’ailleurs la plupart des dialogues de Platon, en dehors de ses dialogues dogmatiques ou mythographiques, si le débat n’apporte pas de réponse satisfaisante qu’au moins il laisse à la sortie dans l’âme des participants le plaisir d’un concerto ou d’une symphonie symbolique faite de signifiants qui ont vibré à l’unisson, dans le choeur de toute l’assistance et le coeur de chacun.
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