Accueil Essais philosophiques d'autres Auteurs Nouvelles Litttéraires de Fernand Reymond Essais Philosophiques de Fernand Reymond Randonnées Philosophiques Actualité et Programme

Nouvelles littéraires de Fernand Reymond

CAGLIOSTRO

<< PrecedentSuivant>>

CAGLIOSTRO


LORENZA L’EGERIE


Rome au XVIII ème siècle, l’église San Salvatore, Lorenza Féliciani, prude jeune fille blonde, très belle, à la plastique de déesse, sous sa mante et son voile prie très pieusement, à la main son livre d’heure, elle est à genoux sur les dalles au pied du maître autel, le regard fixé sur le Christ en croix, elle observe ses stigmates et la passion du fils de l’homme. Elle pense qu’elle doit imiter notre seigneur Jésus Christ, se mortifier, se soumettre à des macérations, des privations, qu’elle doit souffrir dans sa chair pour exalter son mysticisme et accéder à la désincarnation, afin que son âme monte jusqu’au ciel et communie avec le Christ. Elle se prépare à entrer au couvent dans un ordre monastique. Elle veut se consacrer exclusivement à Jésus Christ. Elle très superstitieuse, sa personnalité très sensible, mystérique, à fleur de peau, la rend d’une fragilité extrême et la fréquentation de la société profane lui est intolérable. Elle se dit qu’elle ne devra son salut et sa santé mentale qu’à la réclusion dans un cloître, qu’à la discipline religieuse austère, qu’à la frustration de ses sens qui depuis l’adolescence se sont éveillés et la terrorisent. Son tempérament sensuel, l’effraye, elle se vit divisée entre la tentation de la chair qui la soumet à son empire et sa répulsion pour le péché qui lui fait trouver refuge chaque jour en l’église, où des longues prières la purifient de ce prurit sensuel qui chaque nuit dans son lit la fait s’adonner à l’onanisme dans lequel elle prend un plaisir sans égal qui au petit matin la voit plonger dans une culpabilité sans borne et lui promet les flammes de l’enfer si elle ne met pas au plus vite un obstacle à ses débordement de la chair.
Elle fuit tous les prétendants qui tentent vainement de lui faire la cour, il lui tarde d’entrer en noviciat au couvent, car ses forces n’en peuvent plus des maléfices de la tentation de la chair.
Elle est souvent prise de langueurs indéfinissables, dont elle ne sait si elles sont le fait des appétits sensuels de son corps émanation du diable ou des délices mystiques de son âme s’élevant vers dieu. Soudain elle décèle l’ombre d’un homme qui vient de s’asseoir derrière elle, elle redoute que ce soit cet homme singulier qui chaque jour depuis une quinzaine, vient hanter l’église aux mêmes heures qu’elle. Elle ne lui a jamais adressé la parole. Mais elle sait qu’il la fixe toujours longuement, elle ne connaît pas ses intentions, mais cet homme comme tous les hommes rencontrés dans la rue lui font peur, car leurs regards concupiscents lourds d’appétits sexuels la salisse elle qui se veut immaculée pour se réserver à dieu seul.
Elle se lance pour exorciser sa peur dans un très long chapelet de prières, d’Avé Maria et de Pater noster. Ces longues litanies répétitives de sa voix intérieure récitant sa foi, engourdissent son mental, la rendent prostrée et pantelante telle une poupée de tissus. Elle ne se décide pas à partir tant que l’étranger ne sort pas de l’église. La nuit arrive et les vitraux s’assombrissent.
L’intrus est toujours derrière elle, elle sait qu’il la regarde, qu’il la dévore des yeux, elle sait qu’elle n’est qu’une proie pour ce rapace prédateur. Elle finit pas se lever, les genoux meurtris par la longue génuflexion qui dure depuis des heures. Elle prend un cierge, dépose son obole dans le tronc et va l’allumer au pied de la statue de la vierge. Elle regarde à la dérobée derrière elle, l’étranger est toujours là, c’est effectivement l’homme habituel qui la traque depuis une quinzaine. Elle se précipite vers la porte qui ouvre sur le cloître de l’église d’où elle sait pouvoir sortir dans la rue postérieure. Elle arrive dans la galerie du cloître et se cache derrière une colonne, l’intrus la suit, il la cherche et la découvre frissonnante, transie derrière sa colonne dont le chapiteau sculpté représente un démon offrant le fruit défendu à Eve.
-Lorenza Luciani, pourquoi me fuyez vous ? Je ne vous veux aucun mal ! Je me meurs d’amour pour vous ! Depuis deux semaines je vous regarde chaque jour dans cette église durant vos dévotions. Vous me fascinez ! Vous êtes le canon de l’esthétique et le parangon de la candeur ! Je reconnais en vous une sensibilité exceptionnelle. Votre blondeur défie celle des blés murs sous le soleil des moissons ! Votre tête d’ange rivalise avec celle des déesses de l’Olympe ! Votre poitrine généreuse est un fruit tentateur auquel je ne puis résister !
Vos jambes ballerines sont dignes d’une Coryphée de La Scala de Milan ! Votre regard candide qui s’effarouche chaque fois que vous me voyez est un feu follet qui me magnétise !
Lorenza enivrée par un tel discours consent enfin à regarder cet inconnu qui jusqu’alors décuplait sa phobie des hommes. Sa voix magnétique la subjugue et maintenant son regard noir brillant l’hypnotise.
- Monsieur je suis destinée à notre seigneur Jésus Christ, la semaine prochaine je dois faire mes vœux au couvent, vous vous trompez de personne !
- Lorenza regardez moi bien, venez sous ce lampadaire et surtout ne déviez pas vos yeux, je vous l’ordonne ! Ecoutez moi ! Vous n’irez pas au couvent, vous me suivrez, je vous épouse demain, je vous initierais à l’amour et vous serez ma créature, vous m’obéirez en toute chose et en échange je ferai votre bonheur !
Lorenza en transes hypnotiques répond :
-Je vous obéirai, vous êtes mon maître, je serai votre esclave.
Et il la prend dans ses bras et lui donne un baiser de feu qui la laisse totalement énamourée.
Le lendemain devant un prêtre il l’épouse à l’insu de son père, un fondeur d’or qui avait choisi de l’envoyer au couvent car il n’avait pas les moyens financiers de lui payer une dot pour la marier. Ils quittent aussitôt la ville et partent pour Venise.
Durant le voyage les soirs dans la chambre des auberges, ils font plus amplement connaissance.
-Je m’appelle Joseph Balsamo, mon ascendance est noble mais ma mère étant une roturière, mon père ne pas reconnu. Je suis de Palerme en Sicile où j’ai fait des études de médecine et de chimie. Actuellement je suis au service du Cardinal romain Orsini et j’ai une mission pour lui à Venise. J’ai bien des talents occultes, je pratique l’hypnose et j’ai constaté que tu étais un sujet très perméable à cette technique, tu as toi aussi un don. Ta sensibilité extralucide fait de toi Lorenza un médium, sous hypnose tu peux prédire l’avenir telle la Pythie de Delphes. Tu es une spirite tu communique avec les esprits des morts. Avec moi ta fortune est assurée, je te couvrirai d’or et de diamants, de robes de luxe. Tu oublieras ta modeste condition ouvrière. Tu fréquenteras avec moi les plus grands.
- Joseph tu me fais peur ! Tu m’as ravie à la vie monastique et à la place de la piété qui était mon seul espoir de salut dans l’au delà, tu m’inities à des techniques de magie qui relèvent de Satan ! Je ne suis plus autonome, je suis sous ta dépendance, je ne suis plus qu’une marionnette dont tu tires les ficelles. Avec toi je vais en enfer dans le monde des ténèbres, alors que je cherchais la lumière de dieu !
- Lorenza, je vais te faire connaître la véritable connaissance, la gnose. Je vais t’initier à l’ésotérisme, aux sciences occultes. L’église catholique apostolique et romaine n’est qu’une imposture, elle bâillonne les vrais savants, vois ce qu’elle a fait du philosophe Giordano Bruno qu’elle a envoyé au bûcher, vois ce qu’elle a fait de Galilée qui a du se rétracter pour éviter la mort. Nous vivons un siècle des lumières qui va lever le voile ténébreux que l’église catholique répand sur le monde depuis des siècles avec son inquisition. Déjà en France les philosophes comme Voltaire, Rousseau et Diderot l’auteur de l’Encyclopédie font souffler sur le monde obscur les mots de la vérité. Rien ne sera plus comme dans le passé, la révolution est en marche, la science va balayer la théologie romaine, nous nettoierons les écuries d’Augias de l’église romaine pour faire advenir la liberté et la connaissance.
Je fais partie de tout un réseau de notables et d’intellectuels qui préparent la subversion, pour en finir avec la superstition religieuse et les monarchies absolues.
Ce sont les fils de la veuve, c'est-à-dire les francs maçons qui font leurs, les idées des philosophes mais qui ont un atout de plus que les philosophes, je veux parler de l’ésotérisme.
Nous sommes des frères liés par le serment et nous sommes très prosélytes, bientôt nos thèses gagneront contre l’imposture de l’église et des monarchies.
Je vais t’expliquer ce que sont ces sociétés secrètes qui œuvrent pour le moment dans la clandestinité mais qui bientôt le feront au grand jour.
La maçonnerie remonte à l’antiquité égyptienne.
A Hermès Trismégiste que l’on identifie au dieu égyptien Thot.
Ses théories auraient été reprises par les philosophes gnostiques du début de l’ère chrétienne.
Les deux principaux philosophes gnostiques s’appelaient Basilide et Valentin.
Les gnostiques étaient dualistes c'est-à-dire qu’ils étaient manichéens, qu’ils croyaient que le monde et les corps des hommes avaient été créés par le diable que seules les âmes avaient été créées par dieu. Les gnostiques croyaient que le salut de l’âme ne pouvait s’acquérir que par une longue initiation ésotérique.
Après ce savoir est tombé dans l’oubli. Puis les arabes musulmans récupérèrent ce savoir en Egypte en étudiant les textes grecs d’Alexandrie.
Ils le communiquèrent aux Templiers en Palestine.
Après la dissolution de l’ordre des templiers par le Roi de France Philippe le Bel et la mort au bûcher de son grand maître Jacques de Molay condamné pour hérésie par l’inquisition, les derniers templiers survivants se réfugièrent en Ecosse où ils furent bien accueillis et où durant des siècles ils ont conservé et communiqué de générations en générations les secrets égyptiens des Templiers. Et cela jusqu’au XVII ème siècle où en Ecosse furent fondées les premières loges maçonniques. Je vais Lorenza t’initier et te faire grande maîtresse d’une loge maçonnique féminine, ainsi tu contribueras à mon œuvre.
Sur ce il lui fait l’amour, car il sait que malgré ses défenses puritaines, elle est très sensuelle et que les orgasmes la transfigure, font d’elle son âme damnée.
A Venise Balsamo, se fait escroquer par un aventurier qui lui dérobe ses lettres de créance du Cardinal Orsini, il doit interrompre sa mission et manque d’être emprisonné.
N’ayant plus de subsides du Cardinal, il utilise les dons spirites de Lorenza pour faire de l’argent. Chez les notables riches, il organise des séances d’hypnose et de divination en se servant de Lorenza.
Dans un salon luxueux, les invités se pressent autour du buffet, un orchestre joue de la musique, l’on boit abondamment des vins sirupeux. Puis l’heure de la séance de spiritisme est arrivée. Joseph Balsamo déclare à l’assistance :
-Nous sommes un jour de nouvelle lune, le Verseau est synchrone avec le Sagittaire, Lorenza le médium a ses règles, tous les éléments sont favorables à ses talents de divination, je vous demande de faire le silence le plus absolu, et d’allumer un chandelier à sept branches, j’ai amené le talisman, un diamant octaédrique qui me sert à hypnotiser Lorenza et dans lequel elle voit les sortilèges, c’est sa boule de cristal, son tarot.
Lorenza, très belle dans sa robe moulante, est un peu ébrieuse sous l’effet de l’alcool que Balsamo lui a fait boire. Il la place au milieu du salon devant le chandelier à sept branches en précisant :
-La reine de Saba, devant le grand roi Salomon, lui a ramené de son Arabie heureuse en Israël, la science oniromantique qu’elle tenait de l’Egypte antique. Lorenza est une réincarnation de Bilquis, la Reine de Saba et sous l’effet de mon pouvoir magnétique va réitérer les dons de divination de Bilquis.
Lorenza très pâle fixe le diamant octaédrique que Balsamo lui met sous les yeux, en répétant sur un ton monocorde « Dors, je le veux, dors je le veux ! »
Lorenza entre en transes, elle est illuminée, d’une voix d’outre tombe elle dit sur le mode de l’imprécation :
-Je vois le puissant roi de France en danger mortel dans un proche avenir, je vois un français inventant une machine infernale qui coupera la tête de tous les aristocrates, je vois les armées de la France envahir l’Italie et en chasser les autrichiens qui nous occupent depuis si longtemps. Je vois le drapeau de la liberté flotter sur toute l’Europe après le soulèvement du peuple de Paris.
Puis elle pousse un cri strident et s’évanouit dans les bras de Balsamo qui la transporte sur un sofa. Les notables italiens sont consternés, nombre d’entre eux collaborent activement avec les autrichiens pour faire fructifier leurs affaires, ceux là sont très inquiets, d’autres ont la fibre patriotique et l’espoir les exalte. Les collabos ne veulent pas payer la prestation de Balsamo et sa femme médium, ils crient à l’escroquerie, les patriotes eux sortent leurs bourses et sont très généreux. Balsamo discrètement fait ses comptes et se dit que la recette est considérable. Pendant que Lorenza dort du sommeil normal, dans les salons il boit et converse avec les patriotes, il leur propose de créer une loge maçonnique, il se chargera de les initier aux mystères du symbolique, pour faire d’eux des élus. Il leur parle de liberté, de justice, d’égalité, de fraternité et de réalisation de soi, de quête de l’authentique, de retour aux arcanes du savoir gnostique. Il recrute ce soir là assez d’apprentis pour fonder une loge.
Lorsque Lorenza se réveille, il part en donnant rendez vous à ses nouvelles recrues maçonniques.
En rentrant Lorenza se plaint de nouveau d’être le jouet de l’ambition de son mari :
-Tu te sers de moi, ces séances d’hypnose m’épuisent, je ne m’appartiens plus, je suis ta victime, j’y perd mon âme avec toute cette magie noire, tu as fait de moi une curiosité de foire, un monstre que l’on présente aux badauds moyennant finance, pire que les comédiens je suis excommunié par l’église et comme les comédiens je ne serai pas enterrée selon la liturgie catholique et mon âme rôtira en enfer !
- Cesse tes gamineries et tes superstitions, ton âme sera réincarnée en une reine, tu seras choyée et couverte de bijoux, tu auras la puissance, n’oublie pas que je t’ai sortie des bas fonds de la plèbe, du bas peuple et que tu étais destinée à un triste monastère et contrainte pour satisfaire tes pulsions sexuelles à te masturber dans ta cellule de nonne !
Sur ce, comme chaque fois qu’elle se révolte, il lui fait l’amour et elle oublie toutes ses récriminations, prise qu’elle est par la passion de la chair.

LE COMTE DE SAINT GERMAIN

Balsamo, et Lorenza partent pour l’île de Malte, où le grand maître des Chevaliers de Malte l’a fait demander. Lorenza goutte durant des mois au plaisir du luxe d’une grande maison au bord de mer dans la senteurs d’une végétation méditerranéenne, loin des séances spirites et du nomadisme impécunieux qui, avait été leur lot depuis des années de migration incessante d’un pays d’Europe à l’autre.
Balsamo travaille sur l’alchimie avec le grand maître de Malte qui cherche à tout prix la méthode de transmutation des métaux pour transformer le plomb en or.
Balsamo se lie avec un chevalier de Malte, Althotas qui l’initie à l’hermétisme égyptien et lui révèle les arcanes de l’antique maçonnerie égyptienne, bien antérieure aux rites écossais de la franc maçonnerie moderne. Il pratique aussi la médecine pour les indigents à l’hôpital des chevaliers de Malte.
Lorenza se plaint de solitude, car Balsamo passe toutes ses soirées avec Althotas qui nuit après nuit lui révèle les secrets de Hermès Trismégiste, l’Egyptien antique, il lui interprète son texte monumental « Arcana arcanantum » arcana en latin c’est le secret et dans ce mémoire sont contenus tous les secrets de l’antique maçonnerie égyptienne.
Balsamo est passionné, il médite un grand coup, retourner en Europe continentale et fonder un nouvel ordre maçonnique, le grand ordre maçonnique supérieur égyptien, pour supplanter le rite écossais, et dont il s’instituerai le grand Cophte, c'est-à-dire le maître inconnu.
Le grand maître de l’ordre de Malte commence à s’impatienter dans leur recherche sur la transmutation des métaux, voyant qu’ils n’avancent pas, le plomb reste toujours le plomb, et il voit ses désirs de fortune incommensurable s’évanouir, alors un jour il convoque Balsamo :
-Joseph, nous piétinons dans nos expériences, il nous faut l’aide d’un thaumaturge, d’un magicien génial, je te demande de partir en mission en Europe pour retrouver notre homme, le mage le plus réputé qui a même séduit en son temps le roi de France Louis XV. Je ne sais où maintenant il se trouve, mais je sais qu’il dirige l’ordre des Rose-Croix, cherche le et ramène le moi à Malte, voici tes lettres de créance du grand maître des chevaliers de Malte que je suis, ce sauf conduit t’ouvrira ses portes, mais fais vite, car je ne puis plus attendre longtemps ! Cet homme change régulièrement de nom, en France et par le roi louis XV il était connu sous le nom de Comte de Saint Germain !
Balsamo rentre chez lui est dit à Lorenza de faire ses valises, il lui raconte sa mission énigmatique, mystérieuse.
-Joseph, j’étais ici sereine, j’avais retrouvé ma dignité, ma joie de vivre et ne voila t’il pas, que de nouveau nous allons être des errants dans toute l’Europe, dans un but obscur, de manigances et de pacte avec le diable, j’avais retrouvé la paix avec mon dieu, depuis que tu ne m’obligeais plus aux expériences spirites. Je vais retourner en enfer en te suivant de ville en ville, fréquentant tes milieux clandestins et interlopes, je t’en prie ne me demande pas de t’accompagner, je reste ici pour le salut de mon âme !
- Tu es folle, tu vas me suivre, je ne peux pas me passer de toi, de ton corps et de tes dons de divination, tu es ma femme et tu me dois obéissance.
Les longs voyages ne font que commencer, les pistes sont minces, les indices sont désuets, il lui faut spéculer, et intriguer, espionner, il se transforme en agent secret et en détective privé.
Lorenza le suit fidèle, ils ne manquent pas de crédit, car le Grand maître des chevaliers de Malte a donné carte blanche à Balsamo et un chèque en blanc pour les frais.
Ils vont d’un pays à l’autre, cherchant la trace du Comte de Saint Germain qui est un être très volatil. Après des mois d’errance, un juif cabaliste de Londres met Balsamo sur une piste plus sure. Le grand maître des Rose-Croix devrait se trouver en Germanie en Hesse, où il initie le margrave, le prince.
Ils repartent aussitôt, le voyage est long, traverser la Mer, la Hollande et monter jusqu’au nord de l’Allemagne. Chez le Margrave ne se trouve pas le Comte de Saint Germain, il apprend qu’il doit se trouver dans un château du Vogelsberg, un massif volcanique du Hesse.
Ils s’y rendent et au pied du massif, Balsamo laisse sa femme dans une auberge. Les paysans du pays ne veulent pas accompagner Balsamo jusqu’au Château qui a mauvaise réputation, d’après eux il serait hanté d’esprits maléfiques. Il s’y rend donc tout seul, au risque de se perdre. Lorsqu’il arrive sur les lieux, il voit un fantôme de château, à moitié en ruine, dans des brumes vaporeuses, c’est dans ce décor fantastique qu’il se présente au pont-levis qu’il traverse avec frayeur, en face de lui une herse est levée et qui lui laisse le passage, une grande cour lugubre et en observant au premier étage du donjon une salle semble éclairée. Il franchit un porche roman et trouve un escalier en colimaçon très étroit éclairé par des torches fixées au mur, il monte et arrive dans une immense salle voûtée où sont assemblés assis en arc de cercle des espèces de moines habillés de robe de bure noire, avec au centre une grande rose de céramique rouge au milieu d’une croix de feu qui flambe. Les roses-croix chantent un psaume sur un ton de type grégorien, il est question des flammes de l’enfer où se consument les pécheurs qui n’ont pas rejoint la Rose-Croix , de Christian Rosencreutz leur maître fondateur qui leur a laissé en héritage ses œuvres pour méditer et échapper au péché…
Son entrée dans ce cénacle ésotérique fait l’effet d’un coup de tonnerre dans un ciel serein, les chants cessent aussitôt et on l’apostrophe :
- Qui êtes vous ? Que venez vous faire en ce lieu saint ?
- Je suis Joseph Balsamo ministre plénipotentiaire du grand maître des chevaliers de l’ordre de Malte, voici mes lettres de créance !
C’est alors que de derrière un rideau rouge sort un homme en toge blanche avec l’insigne de la rose-croix sur le cœur :
-Soyez le bienvenu chez nous ! Balsamo il y a longtemps que je vous attendais ! Sachez que je sais ce que désire le grand maître de l’ordre de Malte ! Je n’irais pas à Malte comme il le souhaite, cet homme est cupide, il n’y a que l’or qui l’intéresse ! J’ai pour vous une bien plus grande mission, celle de la diffusion des idées de liberté et de justice des philosophes.
Vous allez rester avec moi, ici durant un mois, afin que je vous dévoile quelques formules de magie et que je vous initie aux mystères. Vous avez encore beaucoup à apprendre, mais vous avez déjà un talent qui mérite d’être fortifié, c’est pour cela que je vous ai choisi.
Vous laisserez votre femme à l’auberge durant tout le temps de votre initiation ici au château, car pour acquérir ce savoir il faut pendant les études une longue période chasteté et je sais qu’avec votre femme, la belle Lorenza la tentation serait trop grande de succomber à la chair.
Lorsque vous aurez suivi mon enseignement vous pourrez de nouveau vous adonner à votre plaisir favori la luxure. Lorsque vous me quitterez, Vous devrez retourner en France, multiplier la création de loges maçonniques et préparer la future révolution qui ne doit pas tarder dans ce pays qui est écrasé par l’absolutisme royal. Vous changerez de nom pour cette mission, Comte de Cagliostro vous ira très bien.
Balsamo, alias Cagliostro, une fois ses études occultes terminées, repart, avec Lorenza qu’il a rebaptisée Séraphina, pour de nouvelles aventures.
Ils rentrent en France, Ils séjourneront successivement à Strasbourg, Lyon et Bordeaux où Cagliostro reste suffisamment de temps pour fonder des loges de maçonnerie égyptienne dont il est le grand Cophte. A Lyon il crée la loge « La sagesse triomphante ».
Ce soir il y a une tenue, c’est une séance d’intronisation d’un néophyte, d’un apprenti égyptien. La loge est décorée d’un dais bleu ciel et blanc. Au dessus de la tête du vénérable qui est Cagliostro, un triangle avec le nom de Jéhova et des rayons.
Le trône du vénérable est élevé sur trois marches, l’autel est devant le trône, sur l’autel un brasier avec une éponge remplie d’esprit de vin. A la droite du trône, le soleil et à gauche la lune. Le trésorier est habillé d’un habit talare attaché par un cordon blanc, il a deux paires de gants, une paire de gants de femme et une paire de gants d’homme.
Le vénérable est habillé d’un talare blanc avec ceinture de moire bleu, d’une étole, d’un cordon rouge et d’une épée.
Le récipiendaire, le candidat au grade d’apprenti, est depuis une heure dans un cabinet de réflexion. Il a écrit son testament et il a médité en contemplant une vanité c'est-à-dire un crâne mortuaire, seulement éclairé d’une bougie. L’inspecteur de la loge avec deux apprentis va le chercher, il entrera les yeux bandés, on l’aura débarrassé de tous ses métaux.
Le vénérable se lève il a le glaive à la main droite.
-Mes frères ! Au nom de dieu ouvrons la loge selon le rite et les constitutions du grand Cophte notre fondateur. Il se tourne vers le triangle et dit :
- Mes frères prosternez vous ainsi que moi, pour supplier la divinité de me protéger et de m’assister dans les travaux que nous allons entreprendre. Y a t’il un frère qui s’oppose pour quelques raisons à l’acceptation de ce nouvel apprenti ? Non il n’y a personne qui s’oppose, alors aller chercher le nouvel apprenti !
A l’apprenti, il dit :
- Homme vous avez déjà été prévenu que le but de nos travaux est éloigné de la frivolité, mais est la quête des connaissances philosophiques. Toutes nos démarches n’ont d’autres motifs que de glorifier dieu et de pénétrer dans le sanctuaire de la nature, mais la route est longue et demande beaucoup d’effort et de peine, de patience. Avant de vous reconnaître comme l’un des notre et de vous revêtir de l’habit sacré, répéter avec moi mot à mot ce serment :
Je promets, je m’engage et je jure de ne jamais révéler les secrets qui me seront communiqués dans ce temple et d’obéir aveuglement à mes supérieurs.
L’apprenti répète scrupuleusement tous les mots du serment.
Le vénérable lui confie l’habit sacré et lui donne les signes et les mots de passe. Et dit :
-Par le pouvoir que je tiens du grand cophte fondateur de notre ordre, et par la grâce de dieu, je vous confère le grade d’apprenti de la véritable maçonnerie égyptienne et vous constitue gardien des connaissances philosophiques auxquelles je vais vous faire participer.
Et il lui frappe trois coups de son glaive sur l’épaule droite. Il ordonne ensuite à l’inspecteur de conduire le nouveau frère à la place qui lui est destinée. Il fais signe à tous les assistants de s’asseoir et charge l’orateur de faire la lecture du catéchisme d’apprenti de la loge égyptienne.
Puis le vénérable se lève de son trône et avec tous ses frères se prosterne devant le nom sacré de la divinité pour la remercier. Il ferme ensuite la loge.

LE COLLIER DE LA REINE


Cagliostro et Séraphina alias Lorenza, sont devenus des nantis à Paris. Ils logent dans un magnifique hôtel particulier, meublé avec luxe, où ils reçoivent le tout Paris.
La renommé du mage Cagliostro a fait sa fortune, l’on se presse chez lui pour de multiples consultations occultes, oniromancie, chiromancie, divination, astrologie, alchimie et médecine. Il a fondé à Paris et en France un très grand nombre de loges maçonniques dont il est le grand Cophte. Il n’a pas oublié sa mission que lui a confié le Comte de Saint Germain, c'est-à-dire saper les fondements de l’absolutisme royal pour préparer la révolution et faire triompher les idées des philosophes.
Il a un plan pour discréditer, à jamais aux yeux du peuple, la famille royale.
Il sait que le Roi Louis XVI est un personnage falot, sans consistance, que la reine Marie Antoinette est une femme futile, seulement intéressée par le luxe et les frivolités, qui n’a aucun sens de la politique et de l’état, qui se soucie peu de la condition misérable de son peuple, d’ailleurs le peuple la déteste déjà et l’appelle « l’autrichienne ».
Il a décidé de jeter son dévolu sur cette femme et d’en faire la cible du courroux du peuple.
Il a un plan déjà bien établi de conspiration contres les intérêts de la Reine.
Pour cette machination il utilise les services d’une femme perverse et cupide, la Comtesse de La Motte, une descendante des Valois la dynastie royale déchue par la dynastie des Bourbons depuis le roi Henri IV. Cette femme issue d’une condition modeste par la ruine de sa famille tombée en désuétude au royaume de France, a beaucoup d’ambition, elle a réussi à entrer à la cour et à devenir l’amie et la principale confidente de la reine qui s’est prise de compassion pour elle. Jeanne de la Motte est devenue l’espionne de Cagliostro auprès de la reine. Elle a été la maîtresse du mage qui l’a connue en Alsace chez le Cardinal de Rohan évêque de Strasbourg.
Aujourd’hui Cagliostro reçoit Jeanne qui vient lui faire son rapport sur l’état de la cour de Versailles.
-Cher ami, hier les joailliers de la couronne sont venus présenter à la Reine un collier de diamants d’une valeur inestimable, c’est une véritable merveille, il avait été commandé par feu le roi Louis XV pour Madame du Barry la favorite du roi. Avec le décès du roi, l’affaire ne s’est pas faite, les joailliers ressortent ce bijou de leur réserve pour le proposer à la reine Marie Antoinette qui en est fort entichée. La reine a demandé au Roi de le lui acheter.
Lorsque Louis a connu le prix exorbitant de ce collier, il a dit à la reine : « Madame, avec la somme nécessaire à l’acquisition de ce bijou, je pourrais faire construire trois vaisseaux de ligne nécessaires à ma flotte pour faire la guerre navale aux anglais. Madame ma marine royale importe plus que votre collier, d’ailleurs les bijoux de la couronne ne vous manquent pas, vous vous contenterez donc de ceux que vous possédez déjà ! » De plus je dois vous signaler que la reine est vivement intéressée par les prestations de magnétisme animal du fameux Messmer ce physicien qui fait courir le tout Paris, elle m’a confié qu’elle viendra prochainement à Paris pour assister à l’une de ses exhibitions, car elle très curieuse de ce phénomène psychologique, j’ai promis de l’y accompagner.
-Ma chère Jeanne, je vois que les nouvelles de la cour sont très bonnes, nous saurons habilement en faire notre fortune. Attendez mes ordres, j’ai déjà un plan dans lequel vous serez intimement associée. Je vous demande maintenant de partir car je dois recevoir le Cardinal de Rohan qui vient pour sa ration hebdomadaire de mon sérum de jouvence, c’est un grand séducteur, mais il commence à ressentir les premiers signes de l’âge et je lui suis très précieux pour parfaire sa santé et atténuer les effets du vieillissement qui le touche. Il est très riche et je n’ai pas à me plaindre des honoraires somptueux qu’il me paie en échange de ma médecine.
Jeanne Comtesse de la Motte sort discrètement par une porte dérobée.
Le carrosse, du prince du sang le cardinal de Rohan, entre dans la cour de l’hôtel particulier de Cagliostro, un laquais lui ouvre la porte et le conduit jusqu’à son maître, qui le reçoit dans son cabinet d’alchimie encombré de cornues, de réchauds, de flacons, de fours tout l’attirail du parfait alchimiste.
- Votre éminence, je vous attendez impatiemment, j’ai confectionné l’élixir qui vous assurera l’éternelle jeunesse, voyez tel que je suis, je prend régulièrement ce sérum et j’ai des siècles d’existence, j’ai déjà rendu des service à feu Catherine Médicis avec le mage Nostradamus mon confrère, plus loin dans le temps je servais Cléopâtre à Alexandrie et je suis pour quelque chose dans la force de séduction de cette femme qui mis César et Marc Antoine à ses genoux.
- Mon cher Cagliostro, je n’ai qu’à me louer de vos services, chaque jour je rajeuni un peu plus. Mais je dois vous faire une confidence, je ne suis pas heureux, je meurs d’amour pour Marie Antoinette ma reine, et celle-ci est avec moi d’une froideur extrême, l’on dit qu’elle me déteste, je vous demande d’user de vos charmes et de vos sortilèges pour m’amener l’affection de ma reine !
- Votre éminence, je vais y réfléchir, je ne vous promets pas un résultat dans l’immédiat, mais qui sait dans un avenir proche, vous serez peut être comblé ?
Le cardinal de Rohan s’en va. Cagliostro part dans les bas fonds de la ville, il va dans une maison close, où on lui a signalé qu’une des prostituées ressemble étrangement à la reine Marie Antoinette. On la lui présente, elle s’appelle d’Oliva. Il est confondu car la similitude est frappante, cette d’Oliva est un véritable sosie de la reine. Il la prend sous sa protection, la sort de son bordel, la loge dans un appartement, lui paie une pension et lui demande l’obéissance absolue.
Franz Anton Mesmer, médecin allemand est connu pour son utilisation d’un état de transe, appelé mesmérisme, dans le traitement des malades. Mesmer fit ses études à Vienne.
Vers 1772 il affirma l’existence d’un pouvoir semblable au magnétisme et capable d’exercer une influence extraordinaire sur l’organisme humain. Il appela cela « le magnétisme animal » et prétendit qu’il avait des vertus médicinales. Il réussit à guérir des patients avec cette nouvelle thérapie qu’il introduisit à Paris et sa technique fut acceptée par certains membres de la profession médicale. Cette technique est assimilable à l’hypnose. Les cures de Mesmer à Paris sont publiques et attirent une grande assistance de curieux. C’est à la fois une thérapie et un spectacle saisissant.
La Motte accompagne la reine au spectacle de thérapie mesmérienne, il y a foule, les patientes sont en transes hypnotiques. Ces transes féminines hystériques sont très suggestives de langueur, de sensualité et d’exhibition sexuelle qui ont beaucoup de succès auprès du public qui en redemande. La reine est choquée et demande à madame de la Motte de repartir aussitôt.
La foule a reconnu la reine parmi l’assistance, et quand elle se retire avec madame de la Motte, Cagliostro fait entrer sur la scène publique son sosie la jeune d’Oliva. Mesmer l’hypnotise et elle se livre à une débâcle de contorsions érotiques et pornographiques qui scandalise le public qui reconnaît en d’Oliva la reine.
Aussitôt l’exhibition terminée la foule et les gazettes racontent l’impudeur indécente de la reine Marie Antoinette suppôt du stupre et de la fornication. L’autrichienne est vraiment une catin, dit le peuple.
La jeune d’Oliva, sosie de la reine, servira encore à Cagliostro pour une nouvelle machination, une nouvelle méprise, une autre mystification.
La comtesse de la Motte a un amant peu recommandable, un certain Réteau de Villette, il a des talents de faussaire en écriture, c’est un escroc patenté.
Cagliostro demande à Jeanne de La Motte de confier à son amant faussaire une lettre manuscrite de la reine, ce qui ne lui est pas difficile vu que la reine écrit souvent à sa confidente. Il devra scrupuleusement imiter cette écriture royale et rédiger un billet doux de la reine au Cardinal de Rohan lui donnant rendez vous une nuit dans le parc de Versailles dans un endroit discret près d’un pavillon où ils pourront s’adonner aux plaisirs de la chair. Cagliostro a écrit le modèle de la lettre que le faussaire doit recopier.
La fameuse fausse lettre est portée par la comtesse de la Motte à Cagliostro qui se charge de l’adresser au Cardinal de Rohan.
Le cardinal de Rohan fou de joie à sa lecture, se rend chez Cagliostro :
- Maître vous êtes vraiment un mage, vos sortilèges ont eu le plus heureux effet sur la reine qui me convie à un rendez vous galant nuitamment dans le parc de Versailles.
- Eminence, je suis heureux que ma science qui vaut plus que tous les philtres d’amour du moyen âge, vous mette en grâce auprès de la reine qui est vraiment très belle et je me réjouis que votre désir impérieux soit satisfait. Mais pour ce service il vous en coûtera assez cher !
- N’ayez crainte Cagliostro je suis très généreux avec un magicien comme vous. Voila cette bourse qui n’est qu’un acompte, vous recevrez prochainement une lettre de crédit d’un motant dix fois plus important. Merci pour tout !
La nuit dite sur la fausse lettre, La comtesse de la Motte et la jeune d’Oliva le sosie de la reine se rendent au château de Versailles, où les attend le Cardinal de Rohan tout émoustillé.
Dans le parc la rencontre se fait, La comtesse de la Motte sert de dame de compagnie à la jeune d’Oliva et le cardinal est mystifié. La pseudo reine est peu affable, elle ne parle que par signe pour ne pas se trahir par sa voix, la comtesse les conduit tous deux au pavillon et les laisse seuls. La prostituée d’Oliva en bonne professionnelle du sexe fait passer au cardinal une nuit très érotique.
Le lendemain Jeanne de la Motte vient faire son rapport à Cagliostro :
- Mission accomplie ! Ce fut un triomphe, le cardinal a eut plus qu’il ne pouvait espérer. Il est maintenant notre obligé.
- Ma chère Jeanne, ce n’est qu’un début car mon plan va beaucoup plus loin et à terme je veux la condamnation publique de la reine ! Vous savez cette histoire que vous m’avez rapportée du collier de diamants refusé par le roi ?
- Je sais, mais la reine n’en parle plus, je crois qu’elle y a définitivement renoncé !
- Qu’à cela ne tienne, ma chère, nous allons relancer l’affaire. Votre faussaire en lettre, va rédiger une lettre de la reine au cardinal de Rohan, lui demandant d’acheter en sous main ce fameux collier et la reine s’engagera à rembourser les joailliers par un crédit sur deux ans. Le cardinal de Rohan ne servant que d’intermédiaire, la parole de la reine étant garantie par le cardinal de Rohan lui-même, la lettre stipulera que le collier devra vous être remis à vous comtesse de la Motte qui sera chargée de l’amener discrètement à la reine qui ne souhaite aucune publicité de cet achat.
- Génial Cagliostro, vous m’avez convaincu, il en sera fait ainsi que vous le souhaitez !
Donnez moi le texte de cette lettre que vous avez déjà du écrire et la Villette fera son travail de faussaire !
Le cardinal de Rohan , un jour n’est pas étonné de recevoir cette fameuse lettre de Marie Antoinette, il se dit que c’est sa plus belle preuve d’amour partagé. Il court chez les joailliers.
Rohan étant un prince de France, les Joailliers ne mettent pas en doute sa parole.
Ils donnent le fameux collier à Jeanne de la Motte.
Celle-ci ne le remet évidemment pas à la reine, elle le démonte et vends par pièces le magnifique collier qui une fois démembré est plus facilement négociable, car en l’état il est invendable étant donné son prix astronomique.
Son forfait accompli auprès de nombreux receleurs qui lui achètent un diamant après l’autre, elle quitte la cour de Versailles et va se retirer à Bar sur Aube dans le manoir de son mari.
Six mois passent, les joailliers sont étonnés que la reine à la fin de chacun des mois passés se ne soit pas manifestée pour payer les échéances du crédit. Ils ont patienté tout ce temps, car il s’agissait d’une dette royale, mais là ils sont à bout, car si la reine ne paye pas ils sont ruinés. Alors ilse rendent à Versailles et demande audience à la Reine.
Celle-ci les reçoit et tombe des nues lorsque les joailliers lui rappellent ses engagements.
Elle est scandalisée, crie à l’escroquerie. Les joailliers citent la garantie et la caution du cardinal de Rohan. La reine informe le roi qui fait aussitôt arrêter le cardinal de Rohan et demande à sa police de diligenter une enquête. La police élucide toute la machination et arrête la comtesse de la Motte, le faussaire de la Villette, la sosie d’Oliva et enfin Cagliostro qui sont embastillés et l’on instruit leur procès.
La nouvelle se dissémine en ville de Paris comme une traînée poudre, les gazettes en font leurs choux gras, la reine est totalement discréditée, l’autrichienne est honnie de la foule, des caricatures de la reine en prostituée de luxe circulent dans tout Paris, les gazetiers sont arrêtés, leurs journaux interdits.
Enfin arrive le procès où le peuple se bouscule.
Le Paris populaire innocente Cagliostro et condamne les puissants la comtesse de la Motte, le cardinal de Rohan, la Reine et le Roi.
Au tribunal ce jour là, le président du tribunal interroge Cagliostro :
- Qui êtes vous, d’où venez vous ?
- Je suis un noble voyageur, je ne suis d’aucune époque et d’aucun lieu ; en dehors du temps et de l’espace, mon être spirituel vit son éternelle existence et, si je plonge dans ma pensée en remontant le cours des âges, si j’étends mon esprit vers un mode d’existence éloigné de celui que vous percevez, je deviens celui que je désire. Participant consciemment à l’être absolu, je règle mon action selon le milieu qui m’entoure. Mon nom est celui de ma fonction et je le choisis, ainsi que ma fonction, parce que je suis libre ; mon pays est celui où je fixe momentanément mes pas. Datez-vous d’hier, si vous le voulez, en vous rehaussant d’années vécues par des ancêtres qui furent étrangers ; ou de demain, par l’orgueil illusoire d’une grandeur qui ne sera peut être jamais la votre ; moi je suis celui qui est….
Me voici : Je suis noble et voyageur ; je parle, et votre âme frémit en reconnaissant d’anciennes paroles ; une voix, qui est en vous et qui s’était tue depuis bien longtemps, répond à l’appel de la mienne ; j’agis, et la paix revient en vos cœurs, la santé dans vos corps, l’espoir et le courage dans vos âmes. Tous les hommes sont mes frères; tous les pays me sont chers ; je les parcours pour que, partout, l’esprit puisse descendre et trouver un chemin vers vous. Je ne demande aux rois, dont je respecte la puissance, que l’hospitalité sur leurs terres et, lorsqu’elle m’est accordée, je passe faisant autour de moi le plus de bien possible; mais je ne fais que passer. Suis-je un noble voyageur ? Comme le vent du sud, comme l’éclatante lumière du midi qui caractérise la pleine connaissance des choses et la communion active avec dieu, je viens vers le nord, vers la brume et le froid, abandonnant partout à mon passage quelques parcelles de moi-même, me dépensant, me diminuant à chaque station, mais vous laissant un peu de clarté, de chaleur, de force, jusqu’à ce que je sois enfin arrêté et fixé définitivement au terme de ma carrière, à l’heure où la rose fleurira sur la croix, je suis Cagliostro….
Toute lumière vient de l’orient ; toute initiation, de l’Egypte….
La foule applaudit dans l’enthousiasme ce discours de Cagliostro.
Le procès dure longtemps et au jour dit la sentence est donnée :
Le tribunal acquitte le cardinal de Rohan, Cagliostro ainsi que la jeune d’Oliva.
Il condamne le comte de la Motte et Réteau de Villette aux galères.
La comtesse de la Motte est condamnée à être publiquement fouettée nue, marquée au fer rouge sur les deux épaules du V des voleurs, puis internée à vie à la Salpêtrière.
Cagliostro à la sortie du tribunal, libre est porté en triomphe par le peuple de Paris jusqu’à son hôtel particulier.
Mais quelques jours plus tard, un officier du Roi se présente en la demeure des Cagliostro en leur signifiant que le Roi les bannit de France et qu’il doivent quitter Paris dans les vingt quatre heures et le royaume de France au plus tard dans les trois semaines.
LA SAINTE INQUISITION ROMAINE

Cagliostro et Lorenza alias Séraphina errent encore pendant trois ans sur les routes d’Europe.
Toujours la même routine, création de loges maçonniques égyptiennes, séance spirites chez les notables argentés, consultations médicales.
Un jour Séraphina, dit à Cagliostro :
- J’en ai assez de ce nomadisme, je n’en puis plus des séances d’hypnose qui me rendent folle, je ne veux plus de ta magie, et je ne veux plus faire l’amour avec toi, tu me répugnes. Je souhaite maintenant retourner dans ma patrie à Rome pour me réconcilier avec mon dieu qui est le véritable sauveur contrairement à tes divinités païennes égyptiennes, il en va du salut de mon âme dans l’au-delà !
- Tu es complètement folle, retourner à Rome c’est se jeter dans la gueule du loup, le pape depuis longtemps a excommunié les francs maçons qui sont dans les états du pontificaux traqués par la police du Saint Office.
- C’est à prendre ou à laisser ! Je ne te fais plus aucune concession, si tu ne viens pas avec moi, je rentre toute seule !
- Ma chérie je t’adore toujours et je ne puis te laisser partir seule, j’ai besoin de toi, donc en dépit des risques majeurs que je cours à Rome, je te suivrais !
Les Cagliostro rentrent à Rome. Il gagne sa vie en confectionnant des baumes, des onguents, des élixirs, mais il reste très discret. Il n’a pas comme à Paris une grande audience.
Ils vivent en face du palais Farnèse dans un appartement modeste.
Cagliostro crée de nouveau des loges maçonniques clandestines. Il intrigue, il complote avec des révolutionnaires, des athées.
Lorenza retourne tous les jours en son église de San Salvador. Elle se confesse quotidiennement à un prêtre.
- Ma sœur, il faut que vous neutralisiez ce mécréant qu’est votre époux, ce criminel, ce païen, il vous conduira directement en enfer, si vous ne le dénoncez pas à la Sainte Inquisition je ne vous donne plus jamais l’absolution, car je vous considère comme complice, pire qu’Eve la première pécheresse vous êtes pour moi une Lilith c'est-à-dire pas une femme mais une créature du diable, dénoncez le au Saint Office qui saura se charger de le ramener à la bonne foi et vous je vous pardonnerai et vous ferait entrer dans un couvent où vous retrouverez la paix du seigneur ! C’est Lorenza un ultimatum, vous n’avez plus le choix !
Lorenza rentre chez elle convaincue par le prêtre, elle va mettre ce projet de trahison en exécution.
Lorsqu’elle arrive au foyer, une réunion de maçons est en ébullition, un maçon voyageur revenant de Paris annonce :
Le peuple de Paris s’est insurgé, il a pris avec les armes la Bastille, il a décapité son gouverneur, les états généraux qu’avait convoqué le Roi se sont institués assemblée constituante, avec pour mission d’en finir avec la monarchie absolue et de rédiger une constitution démocratique, avec séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, avec élection des députés au suffrage universel. Le roi est foutu, vive la liberté !
Cagliostro exalté par une telle nouvelle déclare :
- Je vais écrire au président de l’assemblée constituante française pour demander l’annulation de mon bannissement de France, avec les services que j’ai rendu à la révolution en marche il ne refusera pas et avec Lorenza, je pourrai retourner en France, le pays où les défenseurs de la liberté doivent impérativement se trouver pour diffuser celle-ci dans toute l’Europe !
Le maçon voyageur qui leur a annoncé la bonne nouvelle dit à Cagliostro :
- Rédigez vite cette lettre et je l’amènerai moi-même à Paris parce que je repars aussitôt !
- Revenez dés demain matin, elle sera écrite et je vous la remettrai !
Lorenza se dit que voilà une occasion inespérée de le trahir, durant la nuit elle va voler la lettre, ce document sera une preuve infaillible de la culpabilité de son époux vis-à-vis de la Sainte Inquisition. Elle ne fait aucun commentaire, elle feint de se réjouir de la nouvelle de la révolution, elle attend le moment opportun favorable à son dessein de délation.
Durant la nuit, pendant que Cagliostro dort, elle descend en son cabinet et subtilise la lettre adressée au président de l’assemblée constituante française et elle se rend nuitamment au Saint Office où la police veille jour et nuit.
Le lendemain des sergents viennent les arrêter tout deux.
Lorenza, comme promis par le prêtre de San Salvador, va dans un couvent où elle va prononcer ses vœux de religieuse.
Cagliostro est emprisonné dans un cul de basse fosse au château Saint Ange où il va subir les pires persécutions, les rats, les eaux du Tibre qui débordent régulièrement dans sa cellule, les interrogatoires interminables avec les juges du Saint Office. Il va être condamné à la peine de mort qui sera commuée en prison à perpétuité. Lors de son procès il ne demande qu’une seule faveur au président du tribunal qui l’a trahi ?
Le président sadique lui répond :
- C’est Lorenza votre femme qui nous a amené votre lettre écrite pour le président de l’assemblée constituante française. Elle a fait cela pour le salut de son âme et dieu le lui a bien rendu, car maintenant elle est en état de grâce comme religieuse au couvent.
Vous étiez un être maléfique, un Méphistophélès qui avez conclu un pacte avec le diable et qui rendiez complice votre innocente épouse que dieu a ramenée sur le bon chemin grâce au Saint Office qui lui a permis de se racheter en vous dénonçant !
Cagliostro finira ses jours dans la forteresse papale de San Léo près de Viterbe, un nid d’aigle sur un piton rocheux d’où l’on ne peut s’évader.
Les paysans de la contrée entendent chaque nuit les hurlements du prisonnier qui crie en rage « Lorenza tu m’as trahi ! »
Ils disent chaque jour : le sorcier Cagliostro n’est pas encore mort, mais il a perdu la raison et cela jusqu’en 1795 où il s’éteint dans sa cellule.
Plus tard les soldats de Bonaparte en campagne d’Italie de passage à San Léo demandent au gouverneur de la prison où est enterré Cagliostro pour lui rendre un dernier hommage, il leur est répondu, que nul ne le sait. Depuis la rumeur s’est diffusée que le mage, n’était pas mort et qu’il doit sévir anonymement en Europe, parce que Cagliostro le sorcier ne peut pas mourir !

Essais philosophiques de Fernand ReymondEssais philosophiques d'autres AuteursNouvelles Litttéraires de Fernand reymondRandonnées philosophiquesActualité et Programme

©2006 Association Himeros Arts et Philosophie

but de l'associationContact

<< PrecedentSuivant>>